15 novembre 2022

LA PAROLE AUX PROCHES - Fanny est maman solo de deux enfants. Il y a sept ans, elle découvre le monde de l’autisme avec l’arrivée de Noah. Rencontre avec cette maman aux multiples rôles.

 

 

Fanny Michod et Noah

 © Hugues Siegenthaler

 

Fanny, Lucie et Noah

C’est chez elle, à Vevey, que Fanny nous raconte son histoire. Ce qui frappe tout d’abord, c’est le look hors norme de cette jeune quarantenaire : « J’aime être excentrique. » On lui demande de nous parler de ses tatouages. C’est toute son histoire racontée sur son corps. Il y a les noms de ses deux enfants, Lucie, douze ans, et Noah, sept ans. Des fleurs, que sa maman adorait. Et puis le symbole de l’autisme, à jamais gravé dans sa vie.

Quelque chose qui ne va pas

Très tôt, Fanny se doute que quelque chose ne se passe pas comme il faut.  « Lorsque nous avons fêté ses un an, Noah hurlait. Comme s’il ne supportait pas le bruit, le monde. À un an, un enfant aime fêter son anniversaire. » Le diagnostic tombe en 2019 : Noah a le syndrome d’Asperger. « On pleure un bon coup et on se dit que cela va aller », poursuit Fanny. Puis tout s’enchaîne : la logopédie, l’ergothérapie, les séances chez la pédopsychiatre. Les rendez-vous s’accumulent, il faut emmener Noah à droite, à gauche.

Fanny est aide-soignante à l’Hôpital de Rennaz. Un métier qu’elle aime profondément depuis 21 ans. Elle travaille douze heures par jour et souvent le soir. Il faut aussi s’occuper de Lucie. Difficile de tout gérer. Sa vie privée en prend un coup et son couple bat de l’aile. On l’oriente vers le Service des Besoins Spéciaux de la Petite Enfance (BSPE) : « L’assistante sociale m’a beaucoup aidée pour mettre en place les thérapies ou pour remplir la demande auprès de l’assurance-invalidité ». 

Petit à petit, Noah communique en langage des signes, que sa maman apprend. « Il a fallu trouver un moyen de communiquer avec lui, parce que je ne le comprenais pas lorsqu’il pleurait. » Puis il commence à dire des sons, grâce à la logopédie, mais communique plus facilement à l’aide de pictogrammes. À la cuisine, ceux-ci établissent le programme de la journée.

Un engagement de tous les instants

Il faut du temps pour apprendre à connaître Noah. « Mon fils, il faut l’apprivoiser. Vous connaissez l’histoire du Petit Prince ? J’adore cette histoire ! Il faut être patient, lui tendre la main et attendre qu’il vous fasse confiance. » C’est un travail de tous les jours. Parce qu’un enfant autiste ne réagit pas de la même manière qu’un enfant ordinaire. La personne autiste est régulière, précise, pleine de rituels. Le repas se prend à la même heure, à la minute près. Le rituel du coucher est millimétré, avec les mêmes gestes et dans le même ordre. Gare à ne pas dire à Noah qu’il est huit heures s’il est huit heures deux. Un changement d’école ou d’appartement ? Il faut des mois pour s’adapter. On doit le préparer, lui expliquer avec des images, encore et encore. Car tout doit avoir un sens pour lui. Fanny nous confie combien l’autisme est un trouble envahissant, une prison.

Puis le Covid débarque. Les thérapies s’arrêtent, la crèche ferme. « Du jour au lendemain, je me suis retrouvée confinée avec mes deux enfants », nous raconte Fanny. Difficile pour Noah de comprendre, il y a trop de changements : il fait des décompensations. Alors séparée du père de ses enfants, Fanny doit tout gérer. La fatigue s’installe. « On m’avait proposé Phare, le service de relève à domicile de Pro Infirmis. Mais je me suis dit "non, je suis une Wonderwoman, je vais tout assumer." » Ça lui coûte un burn out fin 2021. C’en est trop. Elle décide de quitter son emploi en avril. Un choix difficile mais nécessaire.

Faire de sa fatigue une force

Fanny nous parle de cette fatigue, pesante et prenante. « Je suis toujours épuisée. Depuis ses 3 ans, Noah dort avec moi car il ne peut pas dormir seul. Depuis, je n’ai pas passé une vraie nuit. Des soirs, je ne peux même plus faire à manger. » Cette fatigue, Fanny en a fait une force. Elle lui a appris à lâcher prise. Et à demander de l’aide. « Je n’avais plus le choix. ». Elle va voir un psychologue. Elle fait appel à la relève Phare. Deux intervenantes, Julie et Carole, viennent chaque semaine s’occuper de Noah. « Elles sont adorables. Elles s’occupent de mon fils, l’amènent aux thérapies. Cela me permet de souffler, de prendre un peu de temps pour moi. »  Il y a Corinne, l’aide à l’intégration de Noah à l’école ordinaire. Et surtout sa fille, Lucie : « Elle s’occupe beaucoup de son petit frère. J’aimerais lui dire "merci" d’être une merveilleuse grande sœur ! »

Un jour, elle voit dans le cabinet du médecin une annonce au sujet de rencontres de parents d’enfants autistes. Elle décide d’y aller. « En écoutant ces mamans, j’avais l’impression que c’était moi qui parlais ». Elle nous explique combien il est important d’échanger avec des personnes qui vivent la même chose. « Je crois que la plupart des gens ne se rendent pas compte. » Il y a peu, elle a dû prendre des cours d’autodéfense pour apprendre à se protéger de son fils.

Aujourd’hui, Fanny est désormais maman de jour, un travail qui lui convient bien. « Ainsi, je peux rester à la maison et m’occuper de mes enfants ».  Elle a à nouveau rencontré l’Amour. Un nouvel équilibre, fragile mais qui se construit peu à peu.

 

« Accepter de l’aide, c’est au fond une belle déclaration d’amour pour son proche » - Fanny

 

À tous les proches, Fanny veut leur dire « Demandez de l’aide ! Ce n’est pas une honte et ce n’est pas votre faute ce qu’il vous arrive ! Au fond, accepter de l’aide, c’est une belle déclaration d’amour pour la personne handicapée. » Elle veut aujourd’hui transmettre son expérience à d’autres parents. Aider les autres, c’est finalement toute sa vie.

 

Entretien: Johanna Monney

Photo: Hugues Siegenthaler

 

 

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